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Eleusis

Éleusis se joue à quatre joueurs au moins ; à partir de huit joueurs, le jeu devient trop long et confus. On utilise deux jeux ordinaires de 52 cartes battus ensemble (exceptionnellement, une donne peut durer suffisamment longtemps pour nécessiter l'introduction d'un troisième jeu). Une partie consiste en une ou plusieurs donnes distribuées par des donneurs différents. Le donneur peut être appelé Dieu, la Nature, Tao, Brahma, l'Oracle (comme à Delphes) ou tout simplement le Donneur. 
 
La règle secrète 
Le premier travail du donneur est d'élaborer une "règle secrète". C'est tout simplement une règle définissant la suite des cartes "correctes" qui doivent être jouées au cours d'une partie. Le jeu consiste pour les autres joueurs à découvrir cette règle. Plus vite un joueur trouve la règle plus sa marque est élevée. 
La caractéristique la plus subtile du jeu d'Éleusis est le décompte des points que nous décrivons plus loin ; ce décompte avantage le donneur qui a su inventer une règle ni trop facile, ni trop difficile à deviner. Sans ce garde-fou, le donneur serait tenté de fabriquer des règles si complexes que personne ne pourrait les découvrir, ce qui rendrait le jeu ennuyeux et frustrant. 
Un exemple de règle trop simple est "jouer une carte de couleur différente de celle précédemment jouée " ; l'alternance des couleurs serait immédiatement évidente. Une meilleure règle, "jouer de façon que la hauteur de la carte jouée soit alternativement un nombre premier ou un nombre non premier" serait peut-être encore trop simple pour un mathématicien ; pour un profane, elle risquerait d'être trop difficile. 
Un exemple de règle trop compliquée est "multiplier les nombres des trois dernières cartes jouées puis diviser par 4. Si le reste est 0, jouer une carte rouge ou supérieure au 6. Si le reste est 1, jouer une carte noire ou une figure. Si le reste est 2, jouer une carte paire ou une carte inférieure au 6. Si le reste est 3, jouer une carte impaire ou un 10. " Personne ne trouvera une telle règle et la marque du donneur sera faible. Voici trois exemples de bonnes règles pour jouer avec des débutants. 
1. Si la dernière carte correcte jouée est impaire, jouer une carte noire ; dans le cas contraire, jouer une carte rouge. 
2. Si la dernière carte correcte jouée est noire, jouer une carte de valeur supérieure ou égale. Si la dernière carte jouée est rouge, jouer une carte de valeur inférieure ou égale ; les valeurs attachées au valet, à la dame, au roi et à l'as sont respectivement 11, 12, 13 et 1. 
3. La carte jouée doit être, soit de la même famille (trèfle, carreau, etc.), soit de la même hauteur que la dernière carte correcte jouée. 
En principe, la règle secrète ne doit dépendre que de la suite des cartes correctes jouées. Des joueurs confirmés peuvent s'autoriser des règles qui dépendent de l'ensemble des cartes disposées sur le tapis, correctes ou incorrectes, mais de telles règles sont très difficiles à deviner et ne sont pas autorisées dans la forme habituelle du jeu. La règle secrète ne peut en aucun cas dépendre d'autre chose que des cartes jouées, comme par exemple du sexe du dernier joueur, de l'heure du jour, d'une inspiration divine, etc… 
La règle secrète doit être écrite claire et précise sur une feuille de papier que l'on met de côté pour vérification à la fin de la partie. Comme le propose M. Kruskal, le donneur peut fournir une indication avant le début du jeu. Par exemple, il peut dire : "la règle ne fait pas intervenir la couleur " ou "la règle ne dépend que des deux cartes jouées précédemment ". 
 
Déroulement du jeu 
Après que la règle secrète a été inscrite, le donneur bat les deux jeux de cartes et distribue 14 cartes à chaque joueur, aucune à lui-même. Il place une carte appelée "carte de départ" à l'extrême gauche du tapis de jeu, comme illustré sur la figure 1. Pour déterminer le joueur qui commence, le donneur compte dans le sens des aiguilles d'une montre à partir du joueur placé immédiatement à sa gauche, en s'excluant lui-même. Il compte jusqu'à ce qu'il ait atteint la valeur de la carte de départ. Le joueur sur lequel tombe ce compte commence le jeu, qui se poursuivra en suivant le sens des aiguilles d'une montre. 
Lorsque vient son tour de jouer, chaque joueur doit abattre de son jeu une ou plusieurs cartes, qu'il montre à tout le monde. Si, selon la règle secrète, la carte est correcte, le donneur dit "vrai". La carte est alors placée à la droite de la carte de départ sur la "ligne principale" des cartes correctes qui s'allonge horizontalement de la gauche vers la droite. 
Si la carte ne correspond pas à la règle, le donneur dit "faux ". Dans ce cas, la carte est placée juste au-dessous de la dernière carte jouée. Les colonnes verticales de cartes incorrectes sont appelées "lignes secondaires" (la disposition des cartes et la terminologie distinguant lignes principales et secondaires est due à M. Kruskal). Les cartes incorrectes jouées consécutivement se placent sur la même ligne secondaire de haut en bas. Au joueur qui propose une carte incorrecte, le donneur inflige une pénalité de deux cartes, qui viennent augmenter ainsi le nombre de cartes de ce joueur malheureux. 
Si un joueur pense avoir découvert la règle secrète, il peut jouer une "suite" de 2, 3 ou 4 cartes à la fois. Il présente les cartes de la suite légèrement décalées mais regroupées pour préserver leur ordre et les montre à tout le monde. Si toutes les cartes de la suite sont conformes à la règle, le donneur dit "vrai ". Alors, toutes les cartes sont placées côte à côte sur la ligne principale, sans se chevaucher, comme s'il s'agissait de cartes isolées correctes qui auraient été jouées séparément. Si une ou plusieurs cartes de la suite sont incorrectes, le donneur déclare fausse la suite entière, sans préciser quelles sont les cartes incorrectes. La suite est alors déposée, cartes toujours imbriquées, au-dessous de la dernière carte jouée afin qu'il reste trace de la suite jouée. Ce joueur perdant reçoit alors deux fois le nombre de cartes qu'il avait jouées dans sa suite. 
La disposition de la figure 1 illustre toutes les règles du jeu d'Eleusis décrites jusqu'à présent. La règle secrète du donneur est, pour cette disposition, la première des trois règles indiquées précédemment. 
Les joueurs augmentent leur marque en se débarrassant du plus grand nombre possible de cartes et, naturellement, ils peuvent le faire d'autant mieux qu'ils ont deviné la règle secrète. Au commencement d'une partie, le choix de la carte à jouer se fait sur la base d'informations insuffisantes et nécessairement au hasard. Au fur et à mesure que la partie avance, la disposition des cartes donne de plus en plus d'informations qui vont faciliter la découverte de la règle. 
Un joueur peut croire qu'il a découvert la règle secrète mais juger que son jeu ne comprend pas de cartes correctes à jouer. Il a alors la possibilité de déclarer "je passe ". Dans ce cas, il abat son jeu. Si le donneur déclare "vrai " et si le jeu de ce joueur contient moins de quatre cartes, les cartes sont remises dans le pot et la partie terminée. S'il a raison, mais a cinq cartes ou plus, alors ses cartes sont remises dans le pot et on lui distribue un nouveau jeu comportant quatre cartes de moins qu'il n'en avait précédemment. 
Si le joueur s'est trompé en déclarant "je passe", le donneur lui prend une de ses cartes correctes et la place sur la ligne principale. Le joueur conserve le reste de son jeu et se voit infliger une pénalité de cinq cartes supplémentaires. Un joueur pensant qu'il n'a pas de cartes correctes, mais qui n'a pas encore tout à fait deviné la règle secrète, n'a pas intérêt à utiliser la procédure du "je passe", mais plutôt à jouer une carte au hasard. Lorsqu'un joueur pense avoir trouvé la règle secrète, il a la possibilité de l'annoncer et d'accroître ainsi sa marque. Il le fait en se proclamant un Sage. Le Sage prend immédiatement les prérogatives du donneur : il annonce "vrai" ou "faux ", et distribue les cartes de pénalité aux joueurs. Il ne peut se déclarer un Sage que si et seulement si les conditions suivantes sont remplies : (1) il vient de jouer (correctement ou incorrectement) et le joueur suivant n'a pas encore joué ; (2) il n'y a encore aucun Sage existant ; (3) entre le donneur et lui, deux joueurs au moins ont encore à jouer ; (4). il n'a encore jamais été un Sage durant cette partie. Lorsqu'un joueur se déclare un Sage, il dépose une marque quelconque, pion, roi ou dame de jeu d'échecs, sur la dernière carte qu'il a jouée. Le Sage conserve ses cartes, mais ne joue plus jusqu'à ce qu'il soit destitué. La partie se poursuit normalement en passant le tour du Sage. 
Chaque fois qu'une carte ou une suite est jouée, le Sage proclame "vrai " ou "faux ". Le donneur entérine ou contredit l'affirmation du Sage en disant "oui ", ou "non ". Si le Sage a raison, la carte, ou la suite, est placée sur le tapis, sur la ligne principale si elle est correcte, sur une ligne secondaire si elle est incorrecte et le Sage distribue toutes les cartes de pénalité requises. 
Si le donneur dit "non ", le Sage est immédiatement destitué. Il est déclaré un mauvais prophète. Le donneur enlève de la carte la marque du mauvais prophète et lui distribue cinq cartes de plus. En signe d'ignominie il lui est interdit de se déclarer Sage jusqu'à la fin de la partie. La connotation religieuse est évidente mais, comme le fait remarquer R. Abbott, il y a une amusante analogie avec les pratiques des milieux scientifiques : "Le Sage est le scientifique qui publie. " "Le mauvais prophète est le scientifique qui publie trop précipitamment." Devenir un Sage ou démasquer un mauvais prophète est ce qui est le plus amusant dans le nouveau jeu d'Éleusis. 
Après la destitution du Sage, le donneur reprend ses anciennes prérogatives. Il complète le jeu qui a confondu le Sage en plaçant la carte, ou la suite, à sa bonne place sur le tapis. Toutefois si la carte ou la suite jouée est incorrecte, il n'y a pas de cartes de pénalité. Le but de cette exemption est d'encourager les joueurs à jouer de manière inhabituelle, même délibérément de façon incorrecte, pour essayer de destituer le Sage. 
Dans l'optique de Karl Popper, c'est pour encourager les scientifiques à rechercher les moyens de "contredire" les théories discutables de leurs collègues. 
S'il y a un Sage et qu'un joueur pense ne pas avoir de carte correcte à jouer, les choses se compliquent. Cela arrive rarement et vous pouvez sauter cette partie des règles et ne vous y référer que si le cas se présente. Au moment où un joueur déclare "je passe" il y a quatre possibilités : (1) Le Sage dit "vrai" et le donneur dit "oui ". Le Sage procède simplement comme il a été dit auparavant. (2) Le Sage dit "vrai ", et le donneur dit "non". Le Sage est immédiatement destitué. Le donneur reprend la direction du jeu comme auparavant. Le joueur qui vient de jouer n'est pas pénalisé. (3) Le Sage dit "faux ", et le donneur dit "non ". En d'autres termes, le joueur a raison. Le Sage est destitué et le donneur reprend la direction du jeu comme avant. (4) Le Sage dit "faux ", et le donneur dit "oui ". Dans ce cas, le Sage doit prendre une carte correcte dans la main du joueur et la placer sur la ligne principale. S'il le fait correctement, il distribue les cinq cartes de pénalité et le jeu continue. Toutefois le Sage peut se tromper en prélevant une carte incorrecte. Si cela arrive, le Sage est destitué. La mauvaise carte est rendue au joueur et le donneur reprend la direction du jeu, sans donner de cartes de pénalité au joueur fautif. 
Quand 30 cartes ont été jouées, et si aucun Sage ne s'est déclaré, les joueurs sont éliminés de la partie lorsqu'ils jouent un mauvais coup, c'est-à-dire une carte incorrecte ou une déclaration de passe erronée. On distribue au joueur éliminé les cartes de pénalité correspondant à son coup final et il quitte la partie tout en gardant sa main pour le décompte final des points. S'il y a un Sage, on diffère le processus d'élimination jusqu'à ce que 20 cartes au moins aient été jouées après celle qui porte la marque du Sage ; on utilise des pions d'échecs pour noter la progression des coups. 
Tant qu'il n'y a pas de Sage, un pion blanc est placé sur chaque dixième carte disposée sur le tapis ; s'il y a un Sage, un pion noir est placé sur chaque dixième carte déposée après la marque du Sage. Lorsqu'un Sage est destitué, on enlève les pions noirs et la marque du Sage. Une partie peut par conséquent faire alterner des phases éliminatoires et des phases normales. Par exemple, s'il y a 36 cartes sur le tapis et pas de Sage, Pierre est éliminé lorsqu'il joue incorrectement. Ensuite Paul joue correctement et se proclame Sage. Si Vincent se trompe maintenant, il n'est pas éliminé car 20 cartes n'ont pas encore été déposées après la marque du Sage. 
 
Fin de la partie 
Une partie peut se terminer de deux façons : (1) lorsqu'un joueur s'est débarrassé de toutes ses cartes ou (2) lorsque tous les joueurs (à l'exclusion du Sage s'il y en a un) sont éliminés. 
Le décompte des points au jeu d'Éleusis est le suivant : (1) on compte le nombre de cartes du joueur (Sage inclus) qui en a le plus : c'est le "maxi ". Chaque joueur (Sage inclus) soustrait du "maxi " le nombre de cartes de sa main, il obtient ainsi son décompte de points. S'il n'a plus de carte, on lui attribue un bonus de quatre points. (2) Le Sage, s'il y en a un, obtient aussi un bonus. C'est le nombre de cartes de la ligne principale au-delà de sa marque auquel s'ajoute deux fois le nombre de cartes sur les lignes secondaires après sa marque. En d'autres termes, on compte pour cette prime un point par carte correcte et deux points par carte incorrecte jouées après que le Sage s'est déclaré. (3) La marque du donneur est égale à la marque la plus élevée, avec une seule exception : s'il y a un Sage, la marque est obtenue en comptant le nombre des cartes (bonnes ou mauvaises) qui suivent la marque du Sage et en doublant ce nombre ; si le résultat est inférieur à la meilleure marque, la marque du donneur est ce plus petit nombre. 
Si l'on a encore du temps pour une autre partie, un nouveau donneur est choisi. En principe, le jeu s'achève lorsque tous les joueurs ont été donneurs mais cela peut prendre presque une journée. Pour terminer le jeu avant que tout le monde ait été donneur, chaque joueur additionne les points qu'il a obtenus à chaque partie, plus dix points s'il n'a pas été donneur ; ce handicap compense le fait que les donneurs ont tendance à obtenir une marque plus élevée que la moyenne. 
Sur la figure 2 on a représenté le jeu au cours d'une partie à cinq joueurs. Pierre est le donneur. La partie se termine lorsque Jacques a épuisé son jeu. Philippe est un Sage et termine avec neuf cartes. François a été éliminé lorsqu'il a joué incorrectement le 10 de pique ; il a 14 cartes. Enfin, Alain possède 17 cartes à la fin de la partie. 
Le "maxi " est 17. Donc la marque d'Alain est 17 moins 17, soit 0. La marque de François est 17 moins 14 soit 3. Jacques reçoit 17 moins 0, soit 17 plus 4 points de bonus pour s'être débarrassé de tout son jeu, c'est-à-dire 21. Philippe a 17 moins 9 égal 8 plus le bonus du Sage, de 34 points (12 cartes sur la ligne principale plus 11 cartes sur les lignes secondaires après sa marque) totalisant ainsi 42. Deux fois le nombre de cartes après la marque du Sage équivalant à 50, Pierre, le donneur, marque 42 car c'est le plus petit nombre de 42 et 50. J'invite le lecteur à analyser cette partie et à voir s'il peut deviner la règle secrète. Cette partie s'est déroulée normalement, c'est-à-dire selon une règle qui ne dépend que des cartes de la ligne principale. 

(c) Baptiste Hugot - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 1.11.2005
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